Pour ce paysan boulanger varois, la loi Duplomb montre "le refus de changer de pratiques"

Du grain de blé à la miche de pain. Ce qui est bon pour l’un rendra l’autre meilleure. Nourrir d’une façon saine, à la fois la terre, et la personne qui vit dessus. Tout cela fonctionne ensemble.
Un clair matin, dans un champ de la famille Arcusa. Nous sommes à Tourves, sur ces terres du Var qui méritent leur nom de Provence Verte. Le pain cuit à plus de 300°C dans le four à bois.
Dehors, les épis chauffent au soleil. Sur la ferme de la Reyne, les céréales alternent avec les parcelles de pois chiche, lin, sorgho, plantes fourragères telle la luzerne, "en rotation" avec les champs laissées en jachère.
"Nous, on ne le voit pas comme des contraintes, c’est quelque chose que nous avons choisi, livre Blandine Arcusa, paysanne et boulangère. Nous avons moins de rendement avec des variétés anciennes, mais faire du pain à partir de nos propres farines permet une meilleure valorisation."
Pesticides, et droit du travailTrouver son équilibre, au regard de la taille de son exploitation et de son lieu d’implantation, est justement ce qui nécessite de faire des choix.
L’agriculture est-elle en train de changer ses pratiques? Alors que la loi Duplomb franchit les paliers législatifs, se profile la réintroduction de certains insecticides en France. Vu d’ici, un recul.
"Les trois gros points de la loi Duplomb – les néonicotinoïdes, les seuils pour les élevages intensifs et les méga bassines – montrent le refus de changer les pratiques, s’alarme Vincent Arcusa. Avec le passage de cette loi, on voit qu’on ne veut pas en discuter." Évidemment, les agriculteurs font face à de réels obstacles.
"C’est même une grande hypocrisie, puisque les molécules sont interdites, mais des productions agricoles qui les utilisent [hors France ou hors Europe] sont commercialisées en France."
Mais cela, c’est d’abord une question de règles de commerce, à l’instar des accords de libre-échange, passés et à venir. "Que ce soit pour les pesticides ou le droit du travail, il y aura toujours moins disant ailleurs", observe Vincent Arcusa qui est aussi l’un des porte-parole de la Confédération paysanne dans le Var. "Faudrait-il que les producteurs français s’alignent?" Et à quel prix véritable?
Le consommateur paie "quinze fois" la production agricole, poursuit le Varois. "Il paie quand il achète; il paie par les subventions à la politique agricole commune; il paie par l’eau polluée dans les nappes phréatiques; et enfin, il paie par sa santé quand il est malade."
Mais où sont les alternatives? "La revendication des “conventionnels" est de vouloir un pour un. Remplacer un produit par un autre. Typiquement, je pense que c’est impossible, c’est une entourloupe. On ne peut pas avoir un Roundup [insecticide puissant] sans les effets négatifs. »
C’est une transformation de la façon de cultiver qui est en jeu. "La filière bio est en train de faire l’alternative, plaide Vincent Arcusa. Cette filière a elle aussi besoin d’être aidée, car elle ne représente pas une pratique marginale."
"Je vois un puceron! Un conventionnel serait en PLS!"Retour dans le champ où poussent, en mélange, blé tendre et blé barbu. "Ô, mon Dieu, je vois un puceron, ironise Vincent Arcusa. Un conventionnel serait en PLS!" Il cherche des yeux une coccinelle, mais il trouve une "momie", sorte de petite capsule sèche.
Il s’agit justement d’un organisme qui limite la multiplication des pucerons. "Si je mets un coup d’insecticide, je tue le puceron, et en même temps, le petit parasite qui m’est utile."
Parler de ces autres méthodes de culture, c’est ouvrir les premières pages d’un très grand livre. On y apprend que "le blé ancien pousse plus haut", ce qui lui permet de "gagner la compétition vers la lumière" et de dépasser les herbes folles qui ne prennent pas le dessus.
Le risque est que la tige se couche, mais cela ne gâche pas la récolte. Le sainfoin est riche en azote et porte des nutriments à la plantation de l’année suivante. Le rendement moindre est compensé par la régularité d’une production plus rustique et résistante…
En substance, faire avec la boîte à outils de la nature, pas avec la chimie. En s’adaptant au plus près à chaque climat local.
Var-Matin